Créer une entreprise, c’est créer une famille
4 Questions à un entrepreneur : échange avec Juan Schneider, PDG de Nanogrande
Le 5 mai dernier, nous avons eu la chance de discuter avec Juan Schneider, PDG de Nanogrande, un « entrepreneur en série en nanotechnologie », qui a préféré la voie de l’entrepreneuriat à un parcours plus traditionnel. Avec ses équipes, il a remporté d’importants prix en nanotechnologie partout dans le monde au fil des ans : pour ses solutions de fabrication de micro et de nano surfaces le NASA-NANO50 en 2004, le Semicon West 2005 et le Nano-Japan 2005 et pour ses solutions d’impression 3D nanométrique les Octas et Dunamis Awards en 2017 et le Formnext 2018.
Il est maintenant président et fondateur de Nanogrande, une entreprise qui se spécialise dans la conception et la fabrication d’imprimantes 3D à l’échelle nanométrique – la première au monde. Le but est d’utiliser de minuscules matériaux pour la fabrication, à l’échelle nanométrique et micrométrique, de pièces qui ont besoin d’une très grande précision.
Durant cette rencontre, nous avons eu la chance d’aborder avec lui le thème de l’entrepreneuriat et d’en apprendre davantage sur sa vision. Vous trouverez ci-dessous un résumé de certaines questions que nous avons posées à Juan Schneider ainsi que des réponses qui en sont ressorties. Cliquez ici pour accéder à l’entrevue complète en balado.
Qu’est-ce qui a fait que vous avez choisi d’être entrepreneur plutôt que d’opter pour une carrière universitaire?
« D’abord, j’ai le goût du risque. Savoir ce qui va arriver dans ma vie dans les prochains 5, 10 ou 20 ans, c’était impossible. Répéter la même chose et être entre quatre murs… je ne me voyais absolument pas prendre cette direction. »
C’est plutôt la créativité, et non la performance qui a poussé Juan Schneider vers l’entrepreneuriat : « Dans les années 90, chercher un emploi comme professeur ou chercheur, ce n’était pas évident. Psychologiquement, je cherchais quelque chose plus en relation avec les gens, tout en combinant la science… La carrière de chercheur universitaire ne donnait pas tout cet éventail de possibilités. L’entrepreneuriat a un aspect humain : il faut combiner les talents, les efforts et les capacités de chacun pour organiser quelque chose. L’entrepreneuriat me touchait plus et les difficultés de l’époque m’ont poussé dans cette direction. »
Quand vous avez lancé votre première entreprise de nanotechnologie, Nanometrix, il y a 20 ans, vous développiez des produits très avant-gardistes. Avec Nanogrande, depuis 5 ans, vous avez créé une autre solution futuriste. Que pouvez-vous nous dire sur votre expérience par rapport au fait d’être très en avance sur un marché?
« D’abord, ce que je fais aujourd’hui, c’est d’utiliser ce que j’ai appris de mes expériences précédentes pour ne pas faire les mêmes erreurs. C’est bien d’être en avance, mais il faut tenir compte de la réalité que le marché peut absorber et comment trouver le bon timing pour amener de la nouveauté, tout en satisfaisant un véritable besoin.
Une des premières choses que j’ai apprises, c’est de me concentrer moins sur l’aspect technologique et d’aller plutôt chercher l’information auprès de nos clients, pour répondre à leurs besoins. Il faut prévoir ce dont le client aura besoin, préparer la technologie et la R et D en conséquence. Finalement, il faut étudier le marché, apprendre de lui et s’y adapter le plus possible. »
« Dans le cas de Nanogrande, je suis allé chercher de l’information, notamment pour voir ce qui était déjà disponible dans le marché de l’impression 3D et vers où les gens se dirigeaient, quels étaient les prochains développements ou bien quels étaient les problèmes auxquels il n’y avait pas encore de solution. Dans ce cas-ci, c’était la haute résolution qui manquait. Le système actuel permettait de faire des pièces avec une taille minimale et il était impossible d’utiliser des particules plus petites. J’ai trouvé une solution à ce problème. »
Comment avez-vous contourné les réactions négatives des gens qui doutaient de la faisabilité du produit, voire de son existence même?
« Chez Nanogrande, quand on a commencé à développer des démonstrateurs et des prototypes, la discussion était déjà plus facile, mais j’ai entamé des discussions avec des clients potentiels avant même de pouvoir développer un prototype. Je suis allé chercher des informations scientifiques pour démontrer la viabilité de mon produit et appuyer ce que je disais. Puis, au fur et à mesure que j’ai pu bâtir certaines parties du produit, je les démontrais pour faire foi de la viabilité du projet. Créer un prototype complet a pris presque trois ans. »
Vous avez dû financer le développement de votre prototype sur une période de plus de trois ans sans vendre une seule imprimante 3D. Comment réussit-on à financer un tel projet?
« On fait ça en vendant autre chose. D’abord, j’ai vendu le service avant même de créer l’entreprise, et j’ai utilisé l’avance reçue à ce titre pour démarrer l’entreprise. De plus, nous faisions de la recherche et du développement pour d’autres entreprises et l’argent était réinvesti dans le développement de notre produit. »
Juan Schneider explique qu’il a également obtenu du financement d’investisseurs privés, qui croyaient au produit : « Il fallait être suffisamment convaincant, logique, mais ne pas trop en dire, pour éviter que les gens partent avec l’information confidentielle. »
Parallèlement, Nanogrande a aussi bénéficié d’une panoplie de mesures d’aide financière gouvernementale et paragouvernementale, telles les classiques contributions de BDC, IQ et PME Montréal, ainsi que de crédits d’impôt en R et D
Est-ce qu’on naît entrepreneur ou est-ce qu’on devient entrepreneur?
« Des gens sont nés entrepreneurs, et d’autres non. Je ne crois pas être né entrepreneur, mais davantage créateur et j’ai appris à être entrepreneur, car pour continuer à créer, il fallait que je vende ce que je faisais. D’autres gens sont plus axés sur la vente et pour eux, la création devient secondaire.
Pour arriver à avoir du succès en entrepreneuriat, il faut arriver à vivre avec l’incertitude. On ne peut pas tout savoir, on peut planifier pour prévenir le pire, avoir des murs de contention, mais il y a toujours un 10 à 20 % d’incertitude et pour être entrepreneur, il faut pouvoir s’adapter rapidement à cette incertitude. »
Si vous aviez des conseils à donner à quelqu’un qui voulait démarrer son entreprise aujourd’hui, quels seraient-ils?
« Je pense qu’il est très important de s’associer avec les bonnes personnes, qui vont vous aider à grandir et à faire sortir le meilleur de vous-même. Ça prend du temps de trouver ces personnes-là. Il faut être patient et ouvert à l’opportunité. Parfois, les plans qu’on s’est donnés ne fonctionnent pas, mais ils nous amènent au bon endroit, avec les bonnes personnes. Il est très important de faire ce qu’on aime. Il ne faut pas le faire juste pour l’argent ou le statut social. Créer une entreprise, c’est créer une famille. »
Mot de la fin
En plus de ce qui précède, ce jeune PDG cinquantenaire partage sa vision humaniste et commerciale à la fois en matière d’alliances stratégiques, de propriété intellectuelle, de brevet, de PCT ou d’innovation.
Pour en savoir plus, écoutez l’intégrale : https://bit.ly/2T3DN6v
Par Me Léa Psenak et Me Frédéric Letendre